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Madagascar : Le Colonel Randrianirina Michaël investi président dans un contexte historique

 

Un tournant politique majeur pour la Grande Île

Ce vendredi 17 octobre 2025, Madagascar a inscrit une nouvelle page dans son histoire politique avec l'investiture du Colonel Michaël Randrianirina à la présidence de la République. À 51 ans, cet officier supérieur qui commandait le CAPSAT (Corps d'armée des personnels et des services administratifs et techniques) a prêté serment devant la Haute Cour constitutionnelle au Palais d'État d'Ambohidahy, à Antananarivo.

Un soulèvement populaire décisif

Cette transition politique trouve ses racines dans un mouvement de contestation débuté fin septembre 2025. Les manifestations, initialement déclenchées par les coupures récurrentes d'eau et d'électricité, ont rapidement évolué vers une contestation généralisée du pouvoir en place. Les jeunes malgaches, regroupés sous la bannière "Gen Z Madagascar", ont dénoncé la corruption endémique, le coût de la vie exorbitant et la pauvreté généralisée qui touche près de 70% de la population selon la Banque mondiale.

Le week-end du 11 au 12 octobre a marqué le point de bascule. Le Colonel Randrianirina a lancé un appel vidéo retentissant aux forces de sécurité, les exhortant à refuser de tirer sur les manifestants. Cette décision a provoqué un effet domino : les troupes du CAPSAT ont quitté leurs casernes pour rejoindre les protestataires sur la place du 13 mai, au cœur de la capitale.

Face à cette défection militaire massive, l'ancien président Andry Rajoelina a quitté le pays le 12 octobre, invoquant des menaces pour sa sécurité. Deux jours plus tard, l'Assemblée nationale votait sa destitution, ouvrant ainsi la voie à cette transition controversée.

Une investiture sous le signe de la refondation

Dans son discours d'investiture, le nouveau président a souligné l'importance historique de ce moment : "Le jour d'aujourd'hui marque un tournant historique pour notre pays. Avec un peuple en effervescence, mû par la volonté du changement et par l'amour profond de sa patrie, nous ouvrons avec allégresse un nouveau chapitre de la vie nationale."

 Le Colonel Randrianirina, également membre actif de l'Église luthérienne de Madagascar avec le statut de "Mpiandry" (laïc disposant d'une autorité diaconale), a promis de diriger dans un esprit d'unité et de refondation. Il a insisté sur le fait que Madagascar n'avait "pas choisi un régime militaire" et que "le gouvernement appartient aux civils", même si un conseil présidentiel mixte, composé de militaires et de civils, supervisera la transition.

Une période de transition de deux ans a été annoncée, durant laquelle un gouvernement transitoire sera mis en place avant l'organisation de nouvelles élections.

 

La Gen Z reprend son autonomie

Dans un développement significatif, le mouvement Gen Z Madagascar, pourtant à l'origine du soulèvement populaire, a annoncé se désolidariser de l'armée et reprendre son autonomie politique. Cette décision témoigne de la maturité et de la vigilance de cette jeunesse qui refuse d'être instrumentalisée.

Mbolatiana Raveloarimisa, l'une des figures du mouvement, a livré un témoignage nuancé de ses premières discussions avec le nouveau président : "Il était à l'écoute. Par contre, parmi ceux que l'on a rencontré, il y a toujours un discours quelque peu paternaliste. On sent qu'il n'y a pas encore de discussion d'égal à égal."

Cette prise de distance illustre la volonté de la Gen Z malgache de rester une force critique indépendante, capable de continuer à porter les aspirations profondes de la population pour "une vie meilleure, plus juste et plus digne".

 

 Les défis à venir

Le nouveau président devra faire face à des défis colossaux : restaurer la confiance des institutions internationales, redresser une économie en difficulté, et surtout répondre aux attentes légitimes d'une population meurtrie par des décennies de pauvreté. Le bilan humain des manifestations - au moins 22 morts et une centaine de blessés selon l'ONU - rappelle l'urgence de la situation.

Madagascar se trouve à un carrefour crucial de son histoire. La sincérité des engagements du Colonel Randrianirina et sa capacité à instaurer un véritable dialogue avec toutes les composantes de la société malgache, en particulier sa jeunesse vigilante, détermineront l'avenir de cette transition.

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