LA DERIVE TOTALITAIRE DU REGIME DE ANDRY RAJOELINA




Ordonnance 2010-01, Ordonnance 2009-012 :
LA   DERIVE  TOTALITAIRE  DU  REGIME  DE  ANDRY  RAJOELINA

Lentement  mais  sûrement   Madagascar   sombre   dans   un  Etat  de  Non  droit  et   dérive   vers  un  régime   totalitaire.

Il   y  a  à  peine  un  mois,  Andry  Rajoelina   s'est   érigé   en  pouvoir   constituant  en  adoptant  une  ordonnance   par  laquelle   il  a  modifié   des  dispositions   constitutionnelles   qui  ne  l'arrangeait  pas  vraiment  et  en  y   stipulant    que   cette  ordonnance   valait  Loi   constitutionnelle.  Dans  cette   même  ordonnance ,  Andry  Rajoelina   s'est  octroyé   également  le  pouvoir  de  légiférer tout  en  demeurant  aussi  à  la  tête  de  l'exécutif.

Qu'est  ce  qu'une  dictature   si   ce  n'est  justement  un régime   ou  tous  les  pouvoirs   sont  aux  mains   d'une   ou  d'un   groupe  de  personne   qui    se  sont   d'ailleurs  imposées  sans  le  consentement   explicite  et  vérifié  de  la  population.

Le   dernier  rempart  contre  cette dérive  est  aujourd'hui  menacé avec  l'ordonnance 2010 001 , ( qui  soit  dit  en  passant  modifie  le  contenu  d'une  loi  organique adoptée  par  le Parlement  et  de  surcroît  sans  qu'il  y  ait  eu  contrôle  de  la  HCC   comme  l'exige  la  Constitution  ) par  laquelle  Andry  Rajoelina  se  met   au  dessus   de la  légalité   en  décidant  que  la  juridiction  administrative  ne  peut  plus  statuer  sur  certains  de  ses  actes.
   
Andry  Rajoelina   devient ainsi  détenteur  du  pouvoir  constituant  , du  pouvoir  législatif  et  de  l'exécutif   sans  qu'il  ne  soit  soumis   à  aucun  contrôle   puisque  lui  même  décide  le  cas   échéant  des  contrôles  auxquels  il   accepte    d'être  soumis .  Si  ce  n'est  pas  une  dictature  ,  Dieu  que  ça   y  ressemble  puisque la  concentration  du  pouvoirs   est   totale.




Les  pouvoirs  juridictionnel  et législatif confisqué par  l'exécutif

1/ Une  ordonnance,   on  ne  peut  plus  surprenante   et  contestable   sur  le  fond  et  sur  la  forme,  vient  d'être  adoptée  par  le  Président  de  la  HAT  et  suscite  l'indignation de la  majorité  des  juristes. 

Inventée par  la  jurisprudence administrative   française  et    reprise  par  la  jurisprudence  malgache,   la  notion  d'acte   de  gouvernement  permet  au  Conseil  d'Etat de  ne  pas  se  prononcer  sur la  légalité   d'un acte   administratif  étant  entendu   que   seul  le  Conseil  d'Etat  (et  lui  seul)  peut,  quand  il  est  saisi, qualifier ou  pas un  acte  d'acte  de  gouvernement.   En  aucun   cas  ,  il  ne  peut  appartenir  à  l'exécutif   de  se  soustraire   de sa  propre  autorité  au  contrôle  juridictionnel  en   déterminant   que    tel   ou  tel  catégorie   d'acte  qu'il  a   adopté  ou  commis  constitue  un  acte  de   gouvernement . 

Visiblement,  l'exécutif a craint de  voir  le  Conseil  d'Etat  ne   pas  lui  donner  raison  dans  l'affaire  de  l'abrogation  de la  nomination  Mangalaza et  a donc  trouvé  ce  « micmac » juridique pour neutraliser  le  Conseil  d'Etat.  On  sait en  effet  que le  Conseil  d'Etat   dispose   d'une marge  d'appréciation  dans  la   définition  des  catégories  d'actes  de  gouvernement    et  qu'il  peut  d'ailleurs  y  avoir  des  revirements  de  jurisprudence .

La  crainte  d'un  verdict   du  Conseil  d'Etat   n'allant  pas  dans  le  sens  qu'il  souhaite   a  donc  amené   le  Président  de  la  HAT  à  adopter  cette  ordonnance  2010- 001, confectionnée certainement par son mentor, Norbert RATSIRAHONANA dont la capacité de nuisance dépasse l'entendement des pires prédateurs , en  oubliant :
- Que  la  loi  doit  être  générale  et  impersonnelle   (  alors  qu'on  a  visé   le  cas  de Mangalaza), 
- Que la loi  assure  à  tous  le  droit  de  se  faire   rendre  justice, 
- Que  l'indépendance  de la  justice  est une valeur   républicaine.
- Que  l'évolution  vers  une   société  plus  démocratique  et  un  Etat  de  droit  appelle  à  un  renforcement  des  juridictions    (  et  non  pas  l'inverse  )
            - Que la  Haute Cour Constitutionnelle reconnaît  que  la  «  … qualification   d'un   acte  pris  par  le  pouvoir   exécutif   relève  de  la  juridiction  chargée   du  contrôle   de  la  légalité …»
            - Que la  tendance  de   la  doctrine  est de  reconnaître  que même  un  acte  de   gouvernement   doit  faire l'objet  d'un  contrôle  pour  les  irrégularités  les  plus  flagrantes   

2/ L'ordonnance   2010- 001 est d'autant plus   critiquable et  contestable   qu'elle  a   été  adoptée  au mépris des règles constitutionnelles en vigueur.

En effet, dans la hiérarchie de l'ordonnancement juridique interne de Madagascar une loi organique est une loi complétant la Constitution afin de préciser l'organisation des pouvoirs publics. Elle  est, dans la hiérarchie des normes, placée juste au-dessous de la Constitution mais au-dessus des lois ordinaires.
Donc elle fait partie du bloc de ce que l'on appelle les lois constitutionnelles qui définissent les droits fondamentaux, fixent l'organisation des pouvoirs publics et les rapports entre eux, les lois organiques structurent les institutions de la République et pourvoient aux fonctions des pouvoirs publics. Bref une loi organique est à la Constitution ce qu'un   décret d'application est à une loi.

L'article 86 de la Constitution précise les conditions particulières d'adoption d'une loi organique dont entre autres : le contrôle obligatoire de  conformité à la Constitution par la Haute Cour Constitutionnelle. Mais l'ordonnance   critiquée  n'a  même  pas   fait  l'objet   d'un   contrôle   de  constitutionalité   avant  sa  promulgation.


Faut  -il  rappeler   que  le  Président  peut  légiférer  par   voie   d'ordonnance  s'il  a  reçu   délégation   du  Parlement ( art 99  de  la  Constitution  ) et qu'en tout état de cause, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement. Au final, soit l'ordonnance est approuvée par le parlement et acquiert la valeur de loi, soit elle n'est pas ratifiée et conserve une valeur simplement réglementaire (inférieure à la loi) :  ce  qui  n'est  pas  le   cas  puisque de   sa  propre  autorité  Andry  Rajoelina   a   sabordé  le  Parlement  et  singulièrement   la  Chambre  basse. Et il se considère  à lui tout seul comme étant le Parlement.


Même un étudiant en de droit de première année peut facilement arriver à la conclusion que la modification d'un seul article d'une loi organique doit suivre la même procédure ne serait-ce que pour le parallélisme des formes. Mais Andry Rajoelina a allègrement marché dessus et a purement et simplement modifié une loi organique, qui plus est portant sur la Cour suprême par une simple ordonnance. Du coup il a tout simplement violé la Constitution.

3/ Le super juge

Le sommet de l'instauration de l'Etat de Non Droit est atteint cette fois ci quand au-delà du non respect de la règle fondamentale que nul ne peut être juge et partie dans un procès, Andry Rajoelina s'est tout simplement autoproclamé super juge par cette ordonnance prise le, en urgence, 07 janvier 2010, la veille de l'audience du Conseil d'Etat où il est donc partie. Avec cette ordonnance, Il a voulu carrément empêcher le Conseil d'Etat de statuer sur l'affaire en le dépossédant de son pouvoir souverain d'appréciation si le cas est ou non un acte de gouvernement.

Ainsi en plus d'avoir cristallisé en sa seule personnelle l'exécutif et législatif il s'arroge les prérogatives du juridictionnel. Dans cette situation peut-on encore parler de République à Madagascar ?

Si l'article  100  de  la  Constitution   prévoit  qu'en  cas   d'urgence  ou  catastrophe ,  le  Président   peut   prendre  par  ordonnance  des  mesures   relevant   du  domaine  de  la  loi,   il  n'  y  a dans le  contexte  ni  urgence  ni  catastrophe  .  A  moins   de   considérer  que  le   verdict  imminent  et  annoncé   du  Conseil   d'Etat ne soit  une  «   catastrophe  » . Mais pour qui ? Apparemment ce n'est pas pour le peuple

Malgré   les  tentatives   d'instrumentalisation  du  droit  et  les  tentatives  de  se  soustraire  aux différents  contrôles,  il  est   à  présager   que  le pouvoir de fait   ait  encore   beaucoup  de  fil  à  retordre  car  le   droit   recèle  encore  beaucoup  d'arcanne  et ne  peut  que  triompher  si  tant  est  quand  même   que  les analystes   et  praticiens  du   droit   fassent   preuve  d'un  minimum   d'honnêteté.

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