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Pétard social ?

Madagascar Tribune
mercredi 26 janvier 2011, par Patrick A.


Deux ans déjà. Ou seulement deux ans ? Ce « lundi noir », le 26 janvier 2009, Antananarivo tombait dans un chaos imprévisible et indescriptible. Pillages et incendies échappaient à tout contrôle, et un vent de panique soufflait sur tout le pays. Au point qu’en contemplant un coucher du soleil que n’arrivaient pas à cacher les colonnes de fumée, l’on avait l’impression que n’importe quelle personne qui se serait dressée à ce moment là pour prendre le pouvoir l’aurait ramassé comme un fruit mûr. Qui plus est, elle aurait sans doute été acclamée comme le sauveur par une population apeurée. Tout paraissait préférable à cet effrayant néant auquel les Tananariviens étaient alors confrontés.

Les occasions d’évoquer les aspects politiques de ce cataclysme n’ont pas manqué. Les lignes de partage sur ses causes, son déroulement ou ses conséquences ne manquent pas non plus, et deux ans après, nous ne sommes guère plus avancés que le soir du 26 janvier 2009 pour en tirer des conclusions définitives.

Les conséquences économiques de cette journée et de celles qui ont suivi sont également évidentes. Si bon nombre d’activités sinistrées ont repris, et si certains opérateurs économiques qui ont eu à pâtir de ces événements avouent discrètement s’en sortir plutôt bien aujourd’hui, les cendres du groupe Tiko demeurent en évidence, affreuses balafres en plein centre de nos cités. Il est clair qu’un manque subsiste, et que la confiance est loin d’être revenue.

Mais au delà des dimensions politiques et économiques de ces événements, l’on ressent, si ce n’est une réticence, une difficulté bien plus grande à en appréhender les aspects sociaux. Pour une raison simple : la plupart des analystes, aux vies plutôt confortables, n’avaient rien vu venir, et n’avaient pas imaginé un seul instant ce qu’il pouvait arriver. On avait bien vu les émeutes de la faim survenir en 2008 dans nombre de pays pauvres, mais de là à imaginer des malgaches apparemment « normaux » et « sans problèmes » se ruer dans les magasins pour participer à ces pillages, il y avait un pas que personne n’avait franchi...

Concentrer l’analyse sur le rôle à l’époque de petits groupes de « gros bras » a permis de se rassurer en rationalisant quelque peu l’analyse, mais il est à craindre qu’il n’y avait pas dans le « Lundi noir » qu’un simple « pétage de plomb » qu’on peut ranger au rayon des événements exceptionnels. Dans le monde entier, la vie des « pauvres gens » devient depuis des années de plus en plus difficile. Le coût des denrées de base, en particulier dans l’alimentaire, ne cesse d’augmenter. Prisonniers de leurs préjugés, des « experts » nous expliquent que ces augmentations sont conjoncturelles ou liées à la spéculation. Ce serait oublier que la densification des populations va de pair avec la raréfaction des ressources alimentaires. Érosion et artificialisation des sols, épuisement des ressources minières et des stocks de poissons et de forêts, pollution et concurrence pour les espaces se conjuguent pour accroître les tensions entre les populations. Les plus pauvres et les plus fragiles sont généralement les premiers à en payer le prix.

Une piètre réponse est cette forme de populisme économique qui consiste, pour acheter la paix sociale, à promettre un certain nombre de mesures de diminution des prix, de diminution des impôts, de créations d’emplois, etc. Mais il s’agit là plus de pansements posés sur un cancer que des grandes réformes indispensables pour changer la donne.

Voilà pourquoi, deux ans après, il est plus que temps d’arrêter cette « crise » qui en cache une autre et d’entreprendre de reconstruire la maison Madagascar.


http://www.madagascar-tribune.com/Petard-social,15393.html 

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