“Indices de famine” dans le sud de Madagascar (Edito)

Clicanoo

Comme le dit de façon un peu technocratique le représentant du Programme alimentaire mondiale à Madagascar, « tous les indices d’une prochaine famine sont réunis » dans le grand sud de l’île Rouge. Selon les estimations du PAM, ce ne sont pas moins de 720 000 personnes qui sont menacées et qui survivent en consommant des graines servant de semence. Ou en absorbant ce que les Malgaches appellent des “aliments de disette”, c’est-à-dire des cactus rouges ou du tamarin mélangé à de la cendre. Des aliments reconnus comme nocifs pour la santé. Depuis deux ans, la sécheresse sévit sur l’extrême sud et détruit les récoltes. Si bien que la situation est pire cette année puisque 53 communes sont classées en difficulté alimentaire contre 45 en 2009 (L’Express de Madagascar du 7 décembre). Ce phénomène, baptisé le kéré, n’est, hélas, pas nouveau. Déjà en 2006 et 2007, le sud malgache avait connu une famine dévastatrice. L’association Planète Urgence estimait qu’au moins 10 000 enfants de moins de cinq ans, les plus vulnérables face à la malnutrition, étaient décédés.

Mais les conditions climatiques ne sont certainement pas les seules responsables de cette situation. Depuis des années, l’État malgache, en proie à la déliquescence, n’a pas su répondre aux situations d’urgence. Car ces régions concentrent plus que le reste de la Grande Île tous les maux d’un des pays les plus pauvres de la planète : problème d’accès à l’eau potable et aux soins, manque de médicaments et de vaccins.

La crise du pouvoir malgache, qui a vu en 2009 Marc Ravalomanana chassé du pouvoir, n’a évidemment rien arrangé au sort de cette population rurale qui a le sentiment d’avoir toujours été abandonnée.

Les solutions d’urgence promise par le Premier ministre Camille Vital, « très préoccupé », ont suscité beaucoup plus de réactions de doute qu’elles n’ont rassuré. La famine : “le pouvoir de transition s’en fout”, s’énervait récemment un polémiste dans Madagascar Tribune.

L’ambassadeur de France dans la Grande Île, Jean-Marc Châtaigner, n’utilise pas les mêmes termes mais il a tenu à lancer un cri d’alarme début décembre en déclarant publiquement : « On assiste à une catastrophe silencieuse dans le Sud. Même si on ne l’entend pas à Antananarivo, c’est une réalité ». Le diplomate a également souligné que la France ne restait pas les bras ballants puisqu’elle a mobilisé 1,6 million d’euros en 2010 pour l’aide alimentaire.

Voisine et intimement liée en raison de l’histoire de son peuplement, la Réunion ne peut évidemment pas rester indifférente au sort des populations du grand Sud malgache. Encore plus à quelques jours des agapes de fin d’année symbole de consommation frénétique. Dans le passé, les Réunionnais ont su montrer leur générosité, notamment en participant au financement de l’opération Kéré initiée par Antenne Réunion et qui a débouché sur la construction d’une soixantaine de citernes. C’est pourquoi le message de Krystyna Bednarska, représentante du Programme alimentaire mondial, qui dit être en quête de fonds pour porter de 80 000 à 200 000 le nombre de bénéficiaires de l’aide d’urgence, ne peut être ignoré dans notre île. Et que l’on ne vienne pas dire, pour détourner le regard de façon trop commode, que la Réunion a compte aussi ces pauvres qui souffrent de la faim. La misère des uns ne peut exclure celle des autres

Jérôme Talpin


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