Madagascar Résistance

Zinfos974

Lettre numéro 29 - septembre 2010 
 
Tout pour que Madagascar ne puisse pas se relever ? 
Réconciliation, apaisement de l’atmosphère politique, neutralité de la transition chargée des réformes constitutionnelles et des élections, retour à l’ordre constitutionnel et à la stabilité politique. Cette feuille de route pour mettre fin à la crise et amorcer le redressement de Madagascar semble évidente, tellement elle est frappée au coin du bon sens. Elle ne sera pas mise en œuvre parce que ni les trois mouvances opposées au coup d’Etat ni la SADC ne disposent d’un bras armé pour faire respecter la loi et les accords signés. A la place de cette feuille de route, il y a des annonces creuses, des gesticulations, la tricherie habituelle quand il s’agit de s’en tenir à ce qui a été dit.   
 
Le premier tour de passe-passe
Un comité constitutionnel sans juriste constitutionnaliste, monté à la hâte, dont les membres ont tous été choisis par l’auteur du coup d’Etat, avait fixé un délai très court pour recevoir les suggestions avant la rédaction d’un projet de constitution. C’est qu’il avait la lourde tâche de rédiger ce texte dans un délai hautement irréaliste. Deux mois après la date limite, le chef putschiste remet au comité son propre texte. Lui devant tout et ne pouvant rien lui refuser, le dit comité obtempère et accepte le texte tardif et du coup, légèrement gêné sans doute, octroie au public une petite rallonge pour lui adresser d’éventuelles propositions. Tout cela nous mène en ce mois de septembre 2010. Qu’à cela ne tienne, comme il faut 
absolument accoucher d’une nouvelle constitution cette année pour pouvoir tenir les semblant d’élections dont les putschistes veulent se prévaloir pour obtenir la reconnaissance internationale, dont ils ne peuvent se passer malgré leurs rodomontades, la campagne pour le référendum constitutionnel s’ouvrira… début octobre. Vous avez bien lu : dans moins d’un mois ! Le texte serait donc prêt ! Une telle rapidité de synthèse et de rédaction relevant du miracle, une suspicion légitime vient à l’esprit : comme à l’accoutumée, Andry Rajoelina a dû tricher. La fameuse approche participative n’était que de la poudre aux yeux pour aveugler l’opinion publique. Même les apports des fameux ateliers décentralisés  - qui viennent 
juste de s’achever – ne peuvent pas avoir été analysés et synthétisés en si peu de temps, encore moins intégrés au draft antérieur. Il y a fort à parier que le texte qui sera soumis au référendum sera celui du chef putschiste. Un tour de passe- passe de plus ne saurait gêner quelqu’un habitué à renier sa signature. 

Peu importe qu’il s’agisse de la loi fondamentale, fondement de la république. Aux yeux d’un putschiste, ce n’est qu’un vulgaire morceau de papier, susceptible d’ailleurs d’être suspendu à volonté. Pourquoi alors se donner le mal de faire semblant plus longtemps ? C’est bien plus simple de donner au comité un texte déjà prêt.


Le deuxième tour de passe-passe 
Après son refus de reprendre les négociations à l’extérieur, et pour donner l’illusion d’une démarche inclusive et consensuelle afin de ne pas irriter davantage la communauté internationale, le chef putschiste a été dans l’obligation d’accepter que le Comité National des Organisations de la Société Civile (CNOSC) participe à la recherche d’une sortie de crise aux côtés de l’Alliance des Associations Civiles, favorable au putsch et très peu représentative, regroupant des entités dont certaines sont trop récentes pour justifier d’une réelle légitimité. Après discussion, ces deux plateformes civiles conviennent d’une répartition des rôles : l’Alliance poursuivrait les préparatifs des ateliers régionaux et de l’atelier national desquels devait émerger le futur projet de constitution, le CNOSC étant chargé de la médiation en vue d’un accord politique, en liaison avec Joachim  Chissano, le médiateur nommé par la SADC et qui avait présidé aux accords de Maputo et d’Addis Abbeba. Et c’est l’occasion pour "Tricky Andry" ("Andry le Tricheur") d’opérer un deuxième tour de passe-passe pour neutraliser le CNOSC : alors que les mouvances Zafy, Ratsiraka et Ravalomanana étaient invitées par cette plateforme – fière à juste titre de ne plus laisser les seuls étrangers assurer la fonction de médiation -, à reprendre les discussions avec la mouvance Rajoelina (officiellement dissoute mais en fait ressuscitée sous la forme d’une nuée de micro partis et de partis fantômes formés et rassemblés à la hâte), la première réunion est sabotée par la tenue, le même jour, du procès concernant l’affaire du 7 février 2009 dans lequel Marc Ravalomanana est jugé par contumace. Là encore, peu importe si les trois mouvances protestent et se retirent des discussions, on pourra toujours dire qu’elles avaient bien été invitées. Et pour parachever la neutralisation du CNOSC, l’Alliance refuse d’accéder à la demande de ce dernier de retarder la tenue de la conférence nationale, afin de permettre d’aborder cette phase importante dans un climat apaisé qui permettrait la participation de toutes les mouvances. C’est ainsi que, contre vents et marées, la conférence "nationale" se tient ces 
jours-ci pour finaliser, notamment, la synthèse des propositions d’améliorations de la constitution malgache. En l’absence des trois principales mouvances politiques, mais aussi, comble de déloyauté, en l’absence du CNOSC prié de se tenir à l’écart et de s’en tenir à sa mission sabordée dès le départ. Feuille de route rajoelienne oblige !



Quid de l'information des citoyens direz-vous ? 
Quels citoyens ? Le mot même sonne comme une obscénité pour un chef putschiste. Depuis qu’il a pris le pouvoir par le feu, par le sang et par la terreur, il a décidé qu’il ne saurait plus y avoir de citoyens à Madagascar. Uniquement des hommes et des femmes tellement affamés et effrayés qu’ils obéiraient à tous les ordres donnés. 

En novembre donc, après une "campagne" pendant laquelle les partisans du non seront bâillonnés de toute façon, ne disposant plus d’aucun média pour se faire entendre, ordre sera donné à ces hommes et ces femmes à qui on a confisqué leur état de citoyens, d’adopter par un oui massif la nouvelle constitution de Madagascar. Les moyens de pression et d’intimidation ne manqueront pas. Que pourront objecter les paysans qui forment pourtant les 75% de la population face aux menaces des chefs de région, de district et de fokontany (circonscription de base équivalent à un quartier urbain ou à un village rural), tous nouvellement nommés dans ce but? Au besoin, il y aura toujours la peur des armes. Et puis, encore une fois, le but ultime de tout ceci reste la reconnaissance internationale et la fin des sanctions. Donc, au forceps s’il le faut, la quatrième république malgache doit naître à la fin de cette année pour permettre le blanchiment du coup d’Etat par des élections. Comme le référendum, ces élections ne devraient pas poser problème aux putschistes, les candidats dangereux étant interdits de candidature et les moyens d’annihiler les velléités de mal voter étant toujours disponibles.  
 
Les putschistes ont-ils alors gagné sur toute la ligne ?



Pas encore. Comme l’a si bien dit une internaute, "la résignation est un suicide ". Et malgré le stress, les difficultés de la vie au quotidien, les intimidations, la résistance démocratique ne s’est pas éteinte. Elle semble au contraire se renforcer avec les implications publiques de personnalités jusqu’ici silencieuses. Vu de l’extérieur, la longueur de cette crise amène à se poser des questions sur la possibilité ou non pour le peuple malgache de trouver un jour la force de se libérer de cette oppression. Mais l’histoire malgache est riche d’exemples de la grande capacité de résistance passive de son peuple face à une oppression brutale. Cette apparence de passivité étonne et même irrite les non avertis. Mais ceux qui connaissent mieux le mode de comportement du peuple  malgache savent que sous ce calme de surface, la colère est comme un feu qui couve sous la braise. Et que la soudaineté et la violence de sa riposte ont toujours pris de court l’oppresseur.
  
Car telle est la punition des dictateurs : l’avidité les rend sourds aux plaintes et aveugles aux signes 
précurseurs qui annoncent leur fin ! 
 
Les Inconditionnels de Madagascar,  
À l’Ile de la Réunion



http://www.zinfos974.com/Madagascar-Resistance_a21162.html?com

Posts les plus consultés de ce blog