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Silence, on détourne

Madagascar Tribune
jeudi 30 décembre 2010, par Georges Rabehevitra

Le 22 juillet 2010, dans un article intitulé « Pourquoi faire pire », j’avais dénoncé le projet de créer une Agence du développement économique et social de Madagascar, ou ADESM, dont le seul but était de détourner l’argent public en l’extrayant de tout contrôle des institutions de l’État, au profit de quelques apparatchiks de ce régime et au détriment de la Nation, donc de l’intérêt général.

Nous sommes en 4è République, quasiment en 2011, mais les projets de détournements de deniers publics semblent toujours être le souci majeur de nos dirigeants actuels, et de préférence en imitant ce qui a été fait par les dirigeants passés. Cela illustre bien « le changement » tant annoncé et tant réclamé par ce régime, qui, je le répète et je le martèle, n’est qu’un régime de transition, illégal et illégitime, qu’aucun malgache n’a élu.

J’ai déjà évoqué aussi sur cette même Tribune l’empressement à construire à tout va, alors que l’on sait pertinemment que partout dans le monde, c’est dans les travaux publics que la corruption est la plus aiguë et pose de gros problèmes, et ce même dans les pays où la justice et les Institutions de l’État veillent au grain.

Si le Pouvoir de Transition (PT) persiste et signe, en se précipitant sur toutes les possibilités de détourner les deniers de l’État, c’est qu’il doit bien y avoir une raison. Celle-ci n’est que d’essayer de s’enrichir au plus vite tant qu’il est encore temps. Cela aide aussi de reculer autant que faire se peut les élections présidentielles, seul verdict valable, légitime et légal.

Le dernier exemple de cette véritable entreprise mafieuse est ce projet de décret sorti en catimini concernant une Passerelle Internationale Unique (PIU) dans le domaine des télécommunications. Les prétextes pour la création sont bien évidemment fallacieux. On ne compense pas un soi-disant manque de contrôle de l’État sur les revenus des télécoms en s’empressant d’aller signer, avec une société offshore de surcroît, un contrat pour que celle-ci aille percevoir au nom de la Nation, des recettes dont le contrôle serait impossible.

Même les pays riches, où des lois et règlements existent et sont appliqués, ont des problèmes avec les sociétés offshore qui sortent de l’application usuelle du droit international. Il suffit de suivre un peu les actualités pour se souvenir que lors de la crise financière, les pays du G20 ont évoqué les problèmes liés aux pays qui abritent des sociétés off shore. Cela veut dire qu’en aucun cas, l’État malgache n’aura un recours devant une juridiction qui relève des Iles Vierges ou des Iles Caïmans. Tout l’argent ainsi collecté serait envoyé sur un compte particulier en Suisse ou à Dubaï que personne ne pourrait rien faire.

Il n’y a pas besoin de démontrer plus longtemps ou de développer plus, pour dire que ce projet de passerelle unique au bénéfice d’une société off shore n’est qu’une vaste escroquerie doublée de corruption dont les bénéficiaires sont quelques personnes actuellement au pouvoir (ou dans son entourage). C’est une affirmation de ma part.

Ce projet est exactement la copie conforme ce qui s’est passé à l’époque du pouvoir de Ratsiraka quelques temps avant les élections de 2002, quand la collecte des paiements des redevances portuaires (tous les bateaux qui accostent sur un port doivent s’acquitter d’une redevance) a été confiée à une société française (mais dans un compte suisse !), avec promesse de reversement d’une quote-part de l’État. Or tout le monde sait, après l’avènement de Ravalomanana au pouvoir, que la quote-part malgache n’a jamais été reversée et l’argent ainsi collecté a disparu, mais pas pour tout le monde !

Le vice-premier ministre de Ravalomanana, ministre des Transports, actuel directeur de cabinet de Rajoelina est parfaitement au courant de ce détournement de l’époque de Ratsiraka. Et voilà qu’il va laisser faire la même chose, sans rien dire et sans en informer son patron ? Complice ?

Je rappelle cette phrase de Maurice Druon, historien et académicien français, dans son livre « Le Pouvoir » : « C’est toujours sur une démission collective que les tyrans fondent leur puissance ».

Ne voulant pas être démissionnaire de ce qui se passe, et par conséquent complice des tyrans et des voleurs de la Nation, j’estime qu’il est de mon devoir envers le pays, de dénoncer tout ce qui ne va pas, et je le ferai tant que je serai vivant.

Je vous souhaite quand même une bonne et heureuse année 2011.

Tonton Georges


http://www.madagascar-tribune.com/Silence-on-detourne,15280.html 

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