Approvisionnement : La filière riz aux mains des spéculateurs
L'Express de Madagascar
Les faits remontent déjà à quelques mois. Un des plus importants opérateurs dans la filière riz invite quelques journalistes pour constater de visu la situation sur le prix du riz sur le marché. Il conduit naturellement les gens de médias auprès de ses « grossistes » à Ambodivona, ceux qui s'approvisionnent chez lui.
Les échanges que le richissime homme d'affaires ont eu avec les commerçants semblaient anodins mais révélateurs de la relation d'affaires entre les deux parties.
« S'il vous plaît patron, accordes-moi deux tonnes de riz stock tampon », s'adresse une dame à notre homme, faisant référence à du riz importé. « Je n'en ai pas encore pour l'instant », répond ce dernier.
Une réponse difficile à croire si l'on sait le rôle joué par l'homme d'affaires dans la filière riz. C'est tout simplement de la spéculation à l'oeuvre.
La prochaine fois, lorsqu'il accordera les deux tonnes à la commerçante, le prix du sac de 50 kg aura augmenté d'une dizaine ou d'une centaine d'ariary. Ce sont ces petites hausses cumulées qui arrivent à quelques centaines d'ariary au bout de quelques mois.
Ces faits amènent à quelques conclusions sur le mécanisme d'approvisionnement en riz à Madagascar, notamment dans la capitale.
D'abord, la gestion de la grande majorité du stock national reste encore entre les mains de quelques gros opérateurs qui maîtrisent toute la filière, en amont comme en aval.
La société Malagasy grossiste (Magro) de l'ancien président Marc Ravalomanana faisait partie de ceux-là à l'époque, mais sa disparition, suite à la crise politique, a laissé un vide. Des opérateurs « traditionnels » sont donc revenus ou ont accru leur influence dans le secteur.
Ce premier constat conduit à un deuxième, plus accablant. A savoir le marché du riz, entre les grands opérateurs (importateurs et grands collecteurs) et les grossistes, est loin d'être libéralisé.
Les négociations et les transactions commerciales se font dans les hangars de stockage, et il est parfaitement possible de contrôler l'approvisionnement et de créer une fausse pénurie.
Les prix à la base se fixent selon l'humeur du marché au jour le jour, après une subite augmentation de la demande due à une rumeur de pénurie, par exemple, ou à un psychose causé par la diffusion de la moindre variation de prix à la une d'un journal en manque d'informations.
« Les spéculateurs sautent sur la moindre occasion pour justifier une hausse de prix. Au nom de la libéralisation, ils ont le droit de fixer la marge béneficiaire qu'ils veulent », constate un technicien proche du secteur riz.
Briser le mécanisme
Qui tire les ficelles pour faire augmenter le prix du riz ? Voilà la question que les décideurs du pays, mais aussi la population, devront se poser au vu de la hausse.
Ceux qui disposent d'une puissance financière suffisante pour immobiliser un important stock de riz acheté durant la grande récolte peuvent parfaitement tirer les ficelles. L'Etat dispose sans doute une liste des noms de ceux qui sont susceptibles d'ourdir ces coups, mais sa marge de manoeuvre est limitée.
Le libéralisme économique protège les privés et laisse la loi de l'offre et la demande régir le marché. Et si la politique et l'argent de la politique décident de s'en mêler au-delà de toute logique commeriale, les stocks recensés sur le papier risquent de ne plus jamais arriver sur le marché.
Le mois de janvier est la période la plus critique dans l'approvisionnement en riz. Le pays mise totalement sur le stock intérieur et les importations pour ravitailler le marché.
La production de riz précoce arrive vers le mois de février, et la grande récolte qui représente 70% de la produciton normale débute en mai. Le riz provenant de petites zones de production comme le Bongolava et la Sofia arrive à partir du mois de septembre.
Les réflexions doivent aujourd'hui se concentrer sur la manière de briser ce mécanisme au plus vite. La détaxation ou le cours de change à taux uniques pour les PPN envisagés par l'Etat n'auront d'impacts sur le marché que d'ici un mois au minimum, le temps pour les produits de débarquer à Madagascar.
Ensuite, il faudra que les bénéfices de ces facilitations accordées arrivent effectivement sur le marché. Il s'agit donc de briser le bloc des opérateurs traditionnels et intégrer de nouveaux opérateurs dans le mécanisme. Le but consiste à augmenter l'offre au plus vite et par tous les moyens sur le marché.
En 2005, c'est ainsi que l'Etat a pu mettre fin à la pénurie et rétablir à la normale l'approvisionnement en riz. Marc Ravalomanana avait par la suite décidé d'avoir la main à travers sa société dans le ravitaillement de cette denrée hautement stratégique et politique.
En quelques mois, le prix du riz a enregistré une hausse de près de 40%.
Les faits remontent déjà à quelques mois. Un des plus importants opérateurs dans la filière riz invite quelques journalistes pour constater de visu la situation sur le prix du riz sur le marché. Il conduit naturellement les gens de médias auprès de ses « grossistes » à Ambodivona, ceux qui s'approvisionnent chez lui.
Les échanges que le richissime homme d'affaires ont eu avec les commerçants semblaient anodins mais révélateurs de la relation d'affaires entre les deux parties.
« S'il vous plaît patron, accordes-moi deux tonnes de riz stock tampon », s'adresse une dame à notre homme, faisant référence à du riz importé. « Je n'en ai pas encore pour l'instant », répond ce dernier.
Une réponse difficile à croire si l'on sait le rôle joué par l'homme d'affaires dans la filière riz. C'est tout simplement de la spéculation à l'oeuvre.
La prochaine fois, lorsqu'il accordera les deux tonnes à la commerçante, le prix du sac de 50 kg aura augmenté d'une dizaine ou d'une centaine d'ariary. Ce sont ces petites hausses cumulées qui arrivent à quelques centaines d'ariary au bout de quelques mois.
Ces faits amènent à quelques conclusions sur le mécanisme d'approvisionnement en riz à Madagascar, notamment dans la capitale.
D'abord, la gestion de la grande majorité du stock national reste encore entre les mains de quelques gros opérateurs qui maîtrisent toute la filière, en amont comme en aval.
La société Malagasy grossiste (Magro) de l'ancien président Marc Ravalomanana faisait partie de ceux-là à l'époque, mais sa disparition, suite à la crise politique, a laissé un vide. Des opérateurs « traditionnels » sont donc revenus ou ont accru leur influence dans le secteur.
Ce premier constat conduit à un deuxième, plus accablant. A savoir le marché du riz, entre les grands opérateurs (importateurs et grands collecteurs) et les grossistes, est loin d'être libéralisé.
Les négociations et les transactions commerciales se font dans les hangars de stockage, et il est parfaitement possible de contrôler l'approvisionnement et de créer une fausse pénurie.
Les prix à la base se fixent selon l'humeur du marché au jour le jour, après une subite augmentation de la demande due à une rumeur de pénurie, par exemple, ou à un psychose causé par la diffusion de la moindre variation de prix à la une d'un journal en manque d'informations.
« Les spéculateurs sautent sur la moindre occasion pour justifier une hausse de prix. Au nom de la libéralisation, ils ont le droit de fixer la marge béneficiaire qu'ils veulent », constate un technicien proche du secteur riz.
Briser le mécanisme
Qui tire les ficelles pour faire augmenter le prix du riz ? Voilà la question que les décideurs du pays, mais aussi la population, devront se poser au vu de la hausse.
Ceux qui disposent d'une puissance financière suffisante pour immobiliser un important stock de riz acheté durant la grande récolte peuvent parfaitement tirer les ficelles. L'Etat dispose sans doute une liste des noms de ceux qui sont susceptibles d'ourdir ces coups, mais sa marge de manoeuvre est limitée.
Le libéralisme économique protège les privés et laisse la loi de l'offre et la demande régir le marché. Et si la politique et l'argent de la politique décident de s'en mêler au-delà de toute logique commeriale, les stocks recensés sur le papier risquent de ne plus jamais arriver sur le marché.
Le mois de janvier est la période la plus critique dans l'approvisionnement en riz. Le pays mise totalement sur le stock intérieur et les importations pour ravitailler le marché.
La production de riz précoce arrive vers le mois de février, et la grande récolte qui représente 70% de la produciton normale débute en mai. Le riz provenant de petites zones de production comme le Bongolava et la Sofia arrive à partir du mois de septembre.
Les réflexions doivent aujourd'hui se concentrer sur la manière de briser ce mécanisme au plus vite. La détaxation ou le cours de change à taux uniques pour les PPN envisagés par l'Etat n'auront d'impacts sur le marché que d'ici un mois au minimum, le temps pour les produits de débarquer à Madagascar.
Ensuite, il faudra que les bénéfices de ces facilitations accordées arrivent effectivement sur le marché. Il s'agit donc de briser le bloc des opérateurs traditionnels et intégrer de nouveaux opérateurs dans le mécanisme. Le but consiste à augmenter l'offre au plus vite et par tous les moyens sur le marché.
En 2005, c'est ainsi que l'Etat a pu mettre fin à la pénurie et rétablir à la normale l'approvisionnement en riz. Marc Ravalomanana avait par la suite décidé d'avoir la main à travers sa société dans le ravitaillement de cette denrée hautement stratégique et politique.
Mahefa Rakotomalala
Mercredi 05 janvier 2011